Le réseau du Métro ne comporte que deux accès en surface destinés au matériel roulant, tous deux situés aux ateliers d'Youville, dans le nord de la ville. Un de ces accès donne sur la ligne 2, entre les stations Crémazie et Sauvé (c'était l'accès original), et l'autre donne sur un tunnel d'environ 3 kilomètres de long donnant sur la ligne 5 entre les stations Parc et De Castelneau (voir "Soirée rame ouverte"). Ces accès donnent entre autres accès aux équipes d'entretien de la voie.
Ces deux accès ont l'inconvénient de ne point être à proximité de la portion sud-ouest du réseau. Il fut donc décidé de construire un dépôt auxiliaire situé près de la station Lionel-Groulx, permettant aux équipes de garer leur matériel et leurs fournitures sans avoir à regagner en toute hâte l'atelier de la voie à Youville, ou le centre Viau situé à la station Viau, à l'est de la ligne 1.
Le Centre Duvernay a été réalisé à la fin des années 1980; sa nécéssité ne s'est fait sentir qu'au moment où la ligne 5 fut complètement ouverte, le matériel d'entretien étant auparavant entreposé à la station Snowdon, sur les quais de la ligne 5 ainsi que dans l'arrière-gare et dans la voie de raccordement avec la ligne 2 (entre les stations Villa-Maria et Snowdon). Cette voie de raccordement sert d'ailleurs toujours à l'entreposage de matériel, son tunnel étant à voie double.
L'accès au Centre Duvernay au réseau se fait par la voie de raccordement ligne 1_ligne 2; la construction s'est entièrement faite en souterrain, hormis le puits d'accès à l'extrémité sud du centre qui se trouve à une trentaine de mètres de profondeur.
Mais que fait donc ma mère ici, debout sur une voie de Métro???
En fait, c'est très simple. Il y a quelques années, ils ont acquis un appartement dans un secteur en rénovation. L'appartement est situé en face de l'accès en surface dudit centre Duvernay que la STCUM était fort occupée à construire à ce moment. Donc, ils ont mangé durant plusieurs mois à deux mètres de la grue qui descendait tous les matériaux au fond d'un trou qu'on finissait par deviner très profond. De là à exciter la curiosité, il n'y a qu'un pas...
Évidemment que moi aussi, je mourais d'envie d'aller "sentir" au fond de ce trou. J'ai donc pu nous obtenir l'autorisation de visiter le centre, quelques mois après qu'il fut terminé.
Alors donc, en compagnie de mes parents et du responsable du Centre Duvernay, nous nous engoufrâmes dans le monte-charge donnant accès au souterrain, malgré le désir de ma mère de descendre à pied, histoire de mieux apprécier la profondeur, le tout par un petit matin pluvieux...
Lors de la descente, ces messieurs ont eu la surprise de voir ma mère s'extasier d'aise à l'idée de descendre là... Arrivée sans histoire (profondeur, environ 35m - au radier) dans un tunnel de métro de largeur normale, mais brillament éclairé. Un petit magasin d'outils à la porte fortement cadenassée fait face au monte-charge, ainsi qu'un petit bureau de contremaître, et dans le lointain, deux voies pleines d'insectes bizzaroïdes aux formes étrangoïdales (tous peint d'un jaune serein...), attendant une éventuelle mise en route, tient la garde. Le champignon des rails affleure la surface du béton du radier, dans lequel ils sont noyés (comme le tunnel est creusé à même le roc, il n'y a guère de chance d'un tassement appréciable, malgré les fréquents tremblements de terre qui secouent la ville). La majorité du matériel (sauf quelques wagons plats provenant du CP et les plus petites draisines) roule sur pneus.
La rangée double se poursuit sur environ 200m, où les deux voies s'aiguillagent en une, sous une voûte surélevée, afin de pouvoir accommoder les ventilateurs (une gaine est placée au centre de la voûte tout au long du garage), vu que tout ce beau monde fonctionne exclusivement au diésel, mais surtout un rideau métallique fesant office de porte de garage, flanquée d'une porte. Au delà, le tunnel du métro!
Vous verrouillez tout ça? s'inquiète ma mère.
Bien oui, au début, nous avons eu des vols d'outils, des gens passaient par les tunnels du métro, et venaient voler nos outils. Une fin de semaine, nous nous sommes fait voler tous les radios de nos tracteurs (faut dire que ces radios là sont de taille appréciable, et d'un poids avoisinant les 30 kg je vois mal des malotrus coltiner tout ça sur le trottoir du tunnel, large de moins d'un mètre, et sans se faire prendre)! C'est un gros problème, les gens qui marchent dans les tunnels. Encore la semaine dernière, nous en avons tué un entre deux stations...
Entretemps, nous empruntâmes la petite porte à côté du rideau pour entrer dans le saint des saints : le TUNNEL DU MÉTRO!!!
Aussitôt, je m'addresse à la cantonnade : "Ça fait au moins 20 ans que j'attends ce moment! Pouvoir marcher dans un tunnel de métro"!
Je me demande si ces messieurs de la STCUM ont médité sur la puissance de volonté que ça prend pour se retenir si longtemps de faire ça, alors que tant de gens le font... Laisse-moi te dire que ça en prends beaucoup, surtout quant j'ai habité à deux reprises à 500m de chantiers! (J'en connais plusieurs qui s'y sont aventurés, un amenant même sa chienne pour déjouer des chiens de gardes)...
Le tunnel à deux voies rejoint celui qui raccorde les lignes 1 et 2, près de Lionel-Groulx. Comme ce dernier est à voie unique, l'interface entre les deux tunnels est composé d'un jeu de voûtes multiple dont l'aspect est des plus agréable... Nous restons à moins de 4m du rideau métallique, et j'interroge le directeur du centre si cet embranchement a été prévu dès le creusement du tunnel de raccordement, il y a plus de 12 ans.
Non, nous avons dû commencer à zéro. D'ailleurs, venez- voir, nous avons dù couper le tunnel existant... Cela dit tout en s'avançant vers l'aiguillage, un vrai aiguillage de Métro!
Arrivés près du trottoir du tunnel de raccordement, nous sommes là, tous DEBOUTS SUR LA VOIE DU MÉTRO! Au loin, nous entendons les rames rouler sur les lignes 1 et 2 (mais sans les voir, car le tunnel de raccordement est courbé à chaque bout)... Le directeur nous informe (assez désinvoltement) de faire «bien attention au barres de guidage», à 2m de là, «parce qu'il y a 750 volts là-dedans»...
Vous voyez, la voûte du tunnel est rapiécée là où nous avons dû ouvrir l'autre tunnel...
Tous ces travaux ont étés effectués sous-terre. Le seul point d'accès (hormis trois trous forés au milieu de la rue où le ciment était pompé sous pression) était le puits d'ascenseur, près de chez mes parents. C'est là dire l'importance du va-et-vient par là...
Durant tout ce temps là, j'ai remarqué que le gars des affaires publiques et Claude se dévisagaient un peu... La conversation s'oriente vers les petits problèmes du métro : l'infrastructure du réseau initial qui s'effrite, que bientôt, il va falloir fermer plus tôt pour donner une cure de jouvence au tunnel, etc... (Depuis ce temps, ces travaux ont été entrepris durant quelques dimanches où des sections de tunnel furent fermées).
Nous transportons quand-même 750 mille personnes par jour... Nous avons des autobus, le métro et même (tout fier) des trains de banlieue... D'ailleurs, moi, je le prends tous les jours, jusqu'à Roxboro...
Ahhh! C'est là que je vous ai vu! s'écrie alors Claude... Quand je travaillais sur les trains de banlieue, l'été dernier...
Oui, c'est ça, là je me souviens de toi!
Étranges retrouvailles, à 35m sous terre...
A ma grande surprise, je me suis surpris à dire que nous pourrions peut-être songer à retourner en surface... Retour plutôt relaxé (heureusement!) vers la surface, en réexaminamt les machines d'entretien et en discutant du boulot des ouvriers, lesquels ne sont pas astreints à une rigoureuse séparation des tâches, comme par exemple dans l'atelier du matériel roulant. Ici, dans le tunnel, tout le monde fait de tout, vu qu'on a pas toute la nuit... Le métro commence à rouler dès cinq heures trente, alors là, il faut avoir évacué.
Afin d'avoir le plus de temps possible pour travailler, les équipes de travail sortent immédiatement après que la rame-balai et talonnent cette dernière jusqu'au chantier. On peut facilement les voir passer dans les stations, très tard le soir, en s'y prenant correctement.
En s'apercevant que le butoir est tout près du bureau du contremaître (dans l'axe de la voie), Claude dit que ce dernier est bien chanceux que ce dispositif se trouve là, au cas où un ouvrier soit mécontent de son patron...
La remontée en monte-charge (personne ne veut monter à pied) se fait sans histoire, et comme toujours, le retour semble durer moins longtemps que l'aller...
Ressortis dehors, la pluie nous rappela vite à la réalité du boulot imminent...
Le gars des relations publiques avait un petit peu raison... C'est un
peu un « trou »... Mais un trou où j'ai pu réaliser un rêve
d'enfance, marcher dans un tunnel de Métro…
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