Page principale Marc Dufour Rail et transports
urbains
Le Canard Déraillé

France 1992

[Index]

[7 mai]

[8 mai]

[9 mai]

[10 mai]

[11 mai]

[12 mai]

[13 mai]

[14 mai]

[15 mai]

[16 mai]

[17 mai]

[18 mai]

[19 mai]

[20 mai]

[21 mai]

[22 mai]

[23 mai]

[25 mai]

[26 mai]

[28 mai]

Vendredi 8 mai:
Petite Ceinture, à nous deux!
J’ai fait connaissance avec la PC en avril 1983, lors de mon premier séjour à Paris. Voulant visiter le Musée des Transports de Saint-Mandé, nous nous sommes trompés de station de métro, et c’est donc à la Porte de Charenton plutôt qu’à la Porte Dorée que nous descendîmes. Rectifiant notre erreur, nous nous sommes mis à arpenter le boulevard Poniatowski, et furent attirés par les petites rues. J’ignore le nom de la rue en question (mais je crois qu’il s’agit de la rue des Meuniers), mais au bout de celle-ci, se trouvait une passerelle qui enjambait deux voies ferrées, qui, fait singulier, n’étaient pas électrifiées... C’est avec un peu d’étonnement que nous reprenons le bon chemin, étonnement qui demeurera larvé longtemps, tant qu’il ne sera pas éveillé par un ouvrage acquis ultérieurement...

Le temps passant, j’eus écho d’un voyage spécial en autorail panoramique. Par chance, mon ami Christian y a prit place, et m’en a envoyé des diapositives. Ce fut fatal. Je DEVAIS ABSOLUMENT faire la Petite Ceinture. Et pas à pied.

Par chance, un voyage était prévu à peu près dans la fourchette de dates que j’eus mises de côté pour mon voyage. Il ne m’a suffi que d’avancer mon départ de deux jours, et le tour était joué...

Donc, c’est quand même de grand matin que je me lève, ce vendredi (décalage horaire oblige. Même si je me levais à six heures, c’est comme si j’avais dormi jusqu’à midi...). Je profite donc pour faire une petite reconnaissance du terrain, et arpente donc la rue Vercingétorix en direction de Montparnasse, histoire de consulter les horaires pour Versailles Chantier, car c’est de là que le train spécial partira.

Les trains de banlieue vont et viennent dans le chuintement agréable des pantographes. Pour le moment, je remarque encore ce bruit, qui disparaîtra lorsque j’y serai accoutumé. C’est une gare Montparnasse qui s’éveille, grouillante de banlieusards, que je découvre... Mais j’ignore ces derniers dès que je vois rutiler un engin tout argenté, avec deux gros yeux rouges... Le premier train que j’aurai vu de près est une rame TGV-A. Les horaires consultés m’annoncent un train vers onze heures. Ça me laissera le temps de déjeuner (le train spécial part à une heure), justement, en 85, j’ai mangé dans un très bon restaurant, pas trop loin de la gare des Chantiers...

La matinée est passée à déambuler dans Paris, car, cette fois-ci, je me suis bien juré de ne pas me taper des marathons de métro comme durant les voyages précédents... JE VAIS MARCHER. Donc, pas question de prendre ni coupon hebdomadaire, ni de «Paris Visite». J’ai quand-même craqué: j’ai pris quelques «Formules 1»...

Juste avant le départ pour l’Anneau Magique.
Vers onze heures, je prends place à bord d’une rame à deux niveaux, qui m’amène par les viaducs de Meudon à Versailles Chantier. En sortant de la gare, impossible de trouver le restaurant! Je ne crois pas m’être trompé de chemin, donc, le restaurant a du fermer. Je dois donc me rabattre sur un petit café minable, en bas de la rampe de la gare.La bouffe engloutie, je retourne à la gare, et parvient à passer les tourniquets en présentant au guichetier ma convocation du COPEF. Je me rends donc sur le quai qu’il m’a indiqué et constate qu’il y a déjà un amateur... Je n’ai pas longtemps à attendre, car survient un engin insolite: un autorail panoramique arborant la livrée vert et crème du Livradois-Forez!

C’est la première fois que j’en vois un vrai... Bien sûr, j’ai lu à leur sujet, et même que le bureau de la SNCF, de Montréal, en avait une maquette! (Malheureusement, le bureau est maintenant fermé; j’ignore tout du sort de l’autorail). Par les fentes de ventilation du compartiment moteur, je confirme ce dont j’ai eu de la difficulté à croire: eh! oui, c’est une transmission électrique qui fait avancer le zinzin...

La cabine de verre permet d’assouvir beaucoup de désirs refoulés...

De l’autorail descend un groupe de touristes qui, visiblement, s’en va visiter le château. Le COPEF a donc «emprunté» l’autorail lors de son escale, lors d’une tournée de quelques jours. Monsieur Z a le nez creux!...

Les amateurs commençant à arriver, je décide de monter à bord, et de me choisir un bon siège: en deuxième, préférablement du bon côté... J’ai la surprise d’entendre appeler mon nom. C’est un vieil ami, monsieur G., qui m’a reconnu le premier, et qui me souhaite la bienvenue.

Les salamalecs échangés, et les derniers passagers montés, c’est le départ. On m’offre quasiment le siège en solo, devant. C’est un peu gênant, mais je me fais petit, afin de ne pas obstruer la vue des gens derrière. L’autorail s’engage bien vite sur la Grande Ceinture, et nous roulons bon train vers Massy. L’arrivée à Massy est fort remarquée... Ce n’est pas souvent qu’on voit passer un autorail panoramique à cet endroit!

Grande ceinture
deviendra petite...

L'arrivée à Massy est fort remarquée.


Un vieux rêve d’ingénieur :

un métro sans
conducteur ni passagers...
Les abords d'Austerlitz :
pas de doute :
nous arrivons à Paris!
Ensuite, nous longeons la voie d’Orlyval au son des sarcasmes des passagers de l’autorail. Les ricanements redoublent d’intensité lorsque nous croisons une de ces célèbres rame du métro sans conducteur et sans passagers. Un peu plus loin, le «cor de chasse» est ignoré de l’autorail, mais pas des passagers, et finalement, de caténaire en aiguillage, nous parvenons à la gare aux marchandises d’Austerlitz, et rebroussons chemin pour traverser la Seine par le Pont National.
Le sinistère des
Finances en vedette.
 
L´entrée de la gare
souterraine bée devant nous
Arrivée en compagnie
d’un TGV
La descente à Bercy se fait en douceur, et nous roulons gentiment vers la Gare de Lyon. La gueule béante de la gare souterraine semble vouloir nous engloutir, mais l’aiguillage en ayant décidé autrement, nous arrivons en surface en même temps qu’une rame TGV...

« Mince alors, Mimile; c´est pas souvent qu’on voit de ça ici! »
D’autres passagers nous rejoignent, mais c’est en vain que je cherche d’autres connaissances. Nous repartons vers Bercy, et remontons sur la PC. Le Pont National est retraversé, et nous stoppons peu après la gare Orléans-Ceinture (pardon, Boulevard Masséna) pour tourner l’aiguillage menant à la gare de marchandises des Gobelins.

Le court tunnel est vite franchi, et c’est l’arrivée au grand dam d’un monsieur en auto, accompagné de son fils. Il en est tellement surpris, qu’il suit en auto l’autorail qui roule jusqu’au bout de la gare... Nous descendons, et marchons vers l’extérieur. Quand l’autorail ressort de l’ombre, ce n’est plus les Gobelins, mais place de la Mitraille! Je peux enfin prendre la même photo qui était dans La Vie Du Rail, et qui m’a fait basculer dans l’univers des ceinturopathes... Les riverains sont rameutés à coups de sifflet, et c’est quelques dizaines de têtes incrédules d’abord, puis amusées qui se pointent le museau par les fenêtres.

Un petit arrêt-photo
sur le pont National
Premier arrêt sur
la voie bucolique!
Gobelins marchandises est sûrement le dernier endroit
où les concepteurs de la SNCF auraient imaginé voir
circuler leur zinzin...
Redépart. A la sortie du tunnel, arrêt photo. L’autorail retourne à l’aiguillage, puis revient nous prendre. D’autres belles photos. Prochain arrêt, Maison-Blanche. Plutôt étriqué et encaissé. De joyeux lurons s’amusent à nous suivre avec un jouet qui ne provient pas de la Samaritaine: un chariot pour le transport des rails leur sert de trottinette...
On continue après les Gobelins
On se promène...
Un paysage hautement panoramique: les immeubles parisiens, vu de l'Anneau Magique...

Un endroit magique. Chûûût!!!
Lors de l’arrêt suivant, à la poterne des peupliers, une rumeur court : nous nous sommes faits flinguer! Une des fenêtres de l’autorail porte désormais un trou de balle. Les trottineteurs rangent leur jouet. Clic-clac, photos, et redépart vers la tranchée du parc Montsouris.

Je vais vous dire un secret que vous ne répéterez pas : un bel endroit, qui mériterai d’être laissé à lui même, tel qu’il est : secret, envoûtant. Il serait dommage de le sacrifier aux hordes barbares qui envahissent à chaque été la Ville Lumière: les touristes. Laissons la tranquillement égrener les jours, surtout sans passer le mot.

Nous nous engageons dans le premier tunnel d’importance. Aux cris de «lumière!» des passagers, le mécano éteint l’éclairage. Quelques personnes (dont moi-même) éclairons la voûte avec des lampes torches, histoire de ne rien perdre de l’action... Soudain, arrêt imprévu: un bloc de béton gît sur le ballast, et semble restreindre le gabarit. Une dizaine de personnes se ruent sur le coupable, et tentent de le bouger, mais en vain. Quelqu’un s’avise que, après tout, on peut peut-être passer... Vérification faite, l’autorail s’engage, le bloc n’est pas assez haut pour toucher à la carrosserie. Heureusement que les bogies ont des roulements intérieurs! On rembarque; prochain arrêt : Ouest-Ceinture.

Arrêt morne, car nous n’avons que les graffitis pour nous tenir compagnie. Seule note légèrement positive, un graffiti met en scène deux rames de Métro... Prochain arrêt, Vaugirard.

Enfin, prochain arrêt prévu, car nous sommes stoppés peu après le tunnel par une manif, à peu près entre la rue du Général Leclerc et la rue Didot. Environ cinquante personnes, y compris femmes et enfants sont massées autour de la voie, et un téméraire, debout sur la voie, ignore nos coups de sifflet. Nous devons donc stopper et assez rondement; on ne s'arrêtera qu'à quelques centimètres du téméraire qui, durant toute la manoeuvre, n'a pas bronché, et est demeuré stoïquement le bras levé. Quelques personnes s’avancent auprès de l'autorail, et énoncent leurs revendications : « La mairie de Paris se doit d’empêcher le saccage d’un des derniers villages de Paris, et doit couper court aux opérations immobilières prévues sur ce tronçon de la Petite Ceinture », le tout suivi par une distribution de tracts... Après cet arrêt inopiné, on repart... Prochain arrêt : Vaugirard, juré, promis...

Il reste encore quelques petits bouts de villages, à Paris... ... mais les immeubles poussent quant-même partout.

La gare de Vaugirard

La station de Vaugirard est inusitée: des courts de tennis la bordent de part et d’autre; même que la cabane abritant les vestiaires-douches est bâtie sur les quais! Quelques photographes mitraillent une cabine téléphonique d’un modèle désuet, et les autres envahissent les improbables jardins bordant la voie et les court de tennis. Pour ma part, je vais observer les parisiens vaquant à leurs affaires du viaduc passant sur la rue de Vaugirard.

Une fois repartis, le passage près de l’embranchement des ateliers du métro ne passe pas inaperçu, car à peu près tout le monde se lève pour admirer cette voie, qui, pour le moment, est inoccupée. Ensuite, nous longeons l’ancienne voie d’essai d’Aramis, où gisent des vestiges qui seront probablement interprétés par les archéologues qui découvriront ce site dans 8000 ans soit comme étant un ensemble de signes astronomiques destinés à calculer la précession des équinoxes, soit comme étant un moyen de se prémunir des effets de la diminution de la libido chez les dieux... Nous quittons la Petite Ceinture par l’embranchement du boulevard Victor.

Après quelques hésitations mises à profit par une ou deux personnes pour nous quitter, nous obtenons le signal pour nous engager en IPCS sur la ligne C du RER. Comme nous n’avons pas toute l’après-midi, nous nous ruons vers Issy-Plaine à plus de 80 km/h. Mais l’irrégularité de notre circulation est vite corrigée par le franchissement d’un aiguillage. Nous passons donc au nez et à la barbe des détenteurs de Cartes Orange. Les plus jeunes et les plus récents arrivés ne savent pas quoi penser, mais les plus vieux sourient en reconnaissant le véhicule qui vient de déboucher devant eux.

Juste avant d’arriver à Porchefontaine, où nous passons de la ligne C à la ligne de Montparnasse, nous sommes dépassés par une rame réversible pleine de banlieusards éberlués qui se tapent sur l’épaule «dis, t’as vu ce qu’il y a sur l’autre voie?»... Mais hélas, la vue de l’affiche «Versailles Chantiers» nous rappelle cruellement que les meilleures choses ont une fin. Le groupe original reprend sa place dans l’autorail, tandis que le nôtre s’égaille un peu tristement. Je viens d’achever ce qui est, je crois, parmi une des plus belles randonnées en train qui puisse se faire. Et peut-être aussi la dernière, car l’avenir de la Petite Ceinture sud n’est pas décrit par des augures positifs.

Monsieur G. me propose de me ramener en auto à Paris. J’accepte, car je suis curieux de faire le chemin autrement qu’en train.

Viroflay, Chaville sont englouties goulûment par la bagnole, et un petit détour par le Parc de Saint-Cloud me permet de jouir d’une vue sur Paris inusitée. Nous prenons l’apéritif chez un de ses amis dont l’appartement est fort bien orienté : on y voit passer les MI-79 de la ligne de Sceaux...

Nous terminons la journée à examiner de près le CNIT, l’Arche de la Défense et le prolongement de la ligne 1 du métro. Rentré chez Stéphane, je mets au point mon emploi du temps pour la fin de semaine grâce au machin qui horripilait tellement le Bon Vieux Général De Gaulle : le téléphone.

 Fin de la page  Commentaires? Marc.Dufour@emdx.qc.caStatistiques d'accès Page suivante